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La ChatteAjourd'hui c'est dimanche, il fait beau je ne fais rien. Je m’assois sur le vieux banc en planches qui sent le moisi, mal remis des tortures de l’hiver. En forme d’oeuf au plat, un nid de crocus tapisse le sol. Des corbeaux inaugurent une tranche de paysage qu'un paysan a fraîchement labouré. Le paysan avait aussi pergué et fumé son champ. Ça sent la terre, ça pue bon le printemps. Reste là comme un vieux, nostalgique du temps où à pareille époque la sève, qu’on devine à peine voilée d’écorce irriguer les arbres, remontait aussi dans mon corps et le faisait courir. Elle arrive, la chatte. Une grosse minette sortie de sa gouttière, blanche tachetée de noir à la cuisse, au cou et au bout de la queue. Elle part en chasse en flânant telle la quiétude qui recouvre les prés. Elle n'a pas vraiment faim. Elle fait frétiller sa moustache, se tient aux aguets. C’est la guerre, malgré la strate de paix qui recouvre les alentours. Elle se fait peur toute seule, elle se redresse brusquement, se met à l’arrêt et fait tourner ses oreilles comme un périscope, espionne et attends. Puis d’un coup, se rassoit, juge de l’éventuelle ripaille qui se cache sous cette taupinière. L'espace d'un instant se croit-elle vegan car elle repart indolemment, dédaigneuse, gracile, dodelinant son train comme les belles de défilé. Puis encore, elle hésite entre guerre et paix, entre éveil et flemme, entre posture d’affamée et de repue. L'écoute de la chatte est permanente, comme connectée par les sens, alors que moi, je me sens connecté en permanence avec une sorte de néant qui me prend la tête et qui, comme un bruit infernal m’empêche d'écouter de ces sens miens. Aujourd'hui
c'est dimanche, je décide,en plus de ne rien faire, d’être un chat, de
ne ciller qu' à un appel de mes sens. Dans cet essai de quête vers la plénitude, j'attends le choc d'une jonquille qui crève la terre, l'effluve d'une plante printanière, le vacarme d’un rut dans la forêt, mais c'est une sensation inhospitalière - qui ne doit pas être un sens puisqu'elle ne figure pas dans la liste des cinq - qui s'impose, ce n'est pas une faim contemplative, ni la faim d'une quelconque découverte intérieure, non c'est une faim physique, la dalle. Enfin, quand est-ce qu’on mange, merde ! Puis il a bien fallu que le banc pète, me retrouvant le cul dans les crocus. Je m'écorche à un vieux clou rouillé en m’appuyant sur le dossier qui s’effondre à son tour. Tu parles d’un chat ! J’y vais. Me
rappelle qu'on a pas eu le temps de faire les courses, trop
connecté; pas su faire fi du wifi. On va se farcir assurément du
“Tricatel” de Louis de Funès, un machin industriel sous vide. Bien sûr, la chatte revient avec une manière de sourire, fière comme une accouchée, elle prend tout le chemin. Elle tient dans sa gueule un magnifique campagnol bien dodu, brillant et si appétissant... |
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La gèneLe patron
de la Taverna avait baissé l’éclairage jusqu'à une lumière propice
Quelle
note, quel hasard, quel souvenir déclencha ce sourire ? Peu importe,
ils en abusèrent quelques secondes. Ils levèrent leur coupe, firent
santé. Et dans le tintement du cristal qui se meurt dans le chaos,
comme la brèche invisible qui déchire le verre, leur sourire disparut
dans un insoutenable moment de gêne. |
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Début de citation- Tu
devrais t’y prendre autrement ! - ??? - Je lis
tes textes sur internet, tu sais. J'aime bien ..., mais c'est
un peu du lancé à la louche, du splash, on sent qu’ il n'y a pas de
plan. Si tu
veux intéresser les gens, il faudrait du consistant, un menu complet
pas un
oeuf au plat. - Je ... - Tu fais
de l'artisanat ! Essayes de faire plus littéraire, je ne sais
pas moi, mets y des citations de célébrités, Pablo Neruda où Nelson
Mandela par
exemple. A moins que tu te contentes d’un “like” par ci, d’un
“follow me”
par là ? Quelle
sentence aurait trouvé ici Pablo Neruda pour magnifier ce
spectacle ? Et dont, on aurait tiré une citation. Une
copine, tu parles ! Où Raquel a bien pu la dénicher celle-ci? Et je
peux enfin laver ce guano collé sur ce que, un pigeon avait pris
pour un désert. J'oublie mes lunettes, m'en rendrai compte que
plus tard.
Continue la route. Une grand-mère est assise sur un tronc, immobile,
comme si
elle attendait l’autocar. Elle tient entre ses genoux, un bâton de
canne à
sucre que les gens d'ici utilisent en guise de canne. Elle porte un
bonnet de
laine où est planté une plume de .. pigeon. Pas envie
de rentrer et revoir cette chipie de copine dont les remarques
n'ont cessé de me tourmenter. Vais prendre un café dans le snack-bar
tout près
de là. Le patron devine que je parle français, il a travaillé en
Belgique
pendant quelques années. J’évoque cette étrange rencontre avec la
grand-mère
immobile. - Oh là
là, je vais te raconter l'histoire. Cette
grand-mère, comme tu dis, s'appelle Maria. Plus jeune, elle était
la plus belle fille du hameau, tous les garçons étaient un peu amoureux
d'elle.
Mais son coeur était déjà pris par Luis, un gars qui habitait le
village de la
vallée d’en-face. Ils correspondaient par la levada. Chaque matin, Luis
lui
envoyait un petit mot qu’il glissait dans un tube de canne à sucre et
qui
flottait jusqu’ ici. Chaque matin, elle récupérait le billet qui à sa
lecture,
illuminait son visage pour la journée. Et elle, pour envoyer ses mots,
comme le
tube ne pouvait pas remonter le courant, se servait d'un pigeon à qui
elle
avait appris à voyager car son père tenait un élevage dans une
cabane au
bord de la route. - Tu l'as
peut-être vue d'ailleurs, elle existe toujours. Je
ne me suis jamais pris pour un écrivain, je veux juste raconter
mon voyage et c'est tout. J'arrête, car, c'est bien quand on referme le
livre
que sa lecture commence. Fin de citation.
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